
Marc LAZAR
Le déjeuner débat organisé par Catherine BLASSEL le 20 janvier a réuni 15 participants (respectant la jauge imposée par le CESE en raison de la situation sanitaire). Sur le thème « Populisme et mutations des démocraties européennes », Marc LAZAR[1] a exposé son point de vue avant de répondre aux questions des adhérents de l’Amicale, tous passionnés par la conférence. Synthèse par Lydia BROVELLI :
Le populisme est l’objet d’innombrables définitions proposées par des historiens, des politistes ou des philosophes. Mais il a d’abord une histoire : en Russie, aux USA, en France (avec le Général Boulanger), en Amérique Latine (avec Perón…). C’est un phénomène mondial, qui s’inscrit dans la durée et qui est puissant. Il y a trois types d’acceptions : une idéologique (mais il est très plastique, il n’a pas de doctrine), une stratégique, et surtout un style.
Le populisme, qui influence aujourd’hui toute l’organisation démocratique, s’est incrusté dans la vie politique. En France comme dans d’autres pays d’Europe nombre de leaders en utilisent le style. Il présente une combinaison de plusieurs facteurs :
- Il oppose un peuple « uni » à des élites, qualifiées souvent de castes qui seraient homogènes et comploteraient contre le peuple, idolâtré et sacralisé.
- Il présente une vision dichotomique de la société, avançant des solutions simples (pour lui quel que soit le problème la solution est le peuple)
- Il a besoin non pas d’adversaires mais d’ennemis (pour exister il invente les « autres », qu’il place à l’extérieur du peuple)
- Il repose sur une notion d’urgence
- Il a besoin de leaders qui incarnent le peuple
Pour autant il y a une variété de populismes, de droite comme de gauche (moins nombreux). Certains sont inclassables (exemple : le mouvement 5* en Italie) d’autres sont régionalistes ou très particuliers, ayant à leur tête des chefs d’entreprise entrés en politique (exemple : BERLUSCONI en Italie ou TRUMP aux USA)
Leurs points communs sont la simplification et l’idée d’un peuple uni. Mais il y a aussi des différences importantes. Ils n’ont pas de structure d’organisation, ils n’ont pas la même sociologie, ni les mêmes thématiques, ni les même ennemis (les étrangers, les migrants, les musulmans…) D’où leurs difficultés à s’unir (voir la situation au Parlement européen)
Au-delà de l’histoire du populisme il faut aujourd’hui constater sa durabilité. Le conférencier conclue son exposé en disant que c’est un syndrome et souligne qu’aujourd’hui le populisme se réclame de la démocratie et se prétend le meilleur promoteur de la démocratie, ouvrant un débat sur son concept…
A partir de nombreuses questions des convives le débat s’instaure ensuite. Il n’est pas possible de tout synthétiser ici. Nous faisons le choix d’un retour, pêle-mêle, sur quelques aspects :
Les causes du développement du populisme : elles sont économiques, sociales, culturelles, identitaires, politiques.
La défiance envers toutes les classes dirigeantes et les institutions le caractérise et l’alimente. Le populisme revendique la démocratie directe, sans intermédiaire mais avec, toujours, un leader.
La mondialisation joue un rôle important dans son développement, en fracturant les sociétés entre ceux qui en bénéficient et les autres qui subissent les aspects négatifs de la globalisation, ce qui occasionne un choc considérable.
Le rôle des médias et des réseaux sociaux, le complotisme sont évoqués et le besoin de revenir à un débat politique apaisé est souligné.
A la question -inévitable et bien légitime- « que faire » ? Marc LAZAR évoque quelques pistes :
Il faut renouer la confiance, que les partis politiques se réforment car une démocratie représentative et libérale ne peut fonctionner qu’avec des partis. Mais pour le conférencier il faut changer fondamentalement le personnel politique, le renouveler avec des jeunes, des femmes, des représentants des minorités.
Et surtout il faut former, éduquer. Il souligne les béances de connaissances basiques de trop de jeunes an matière d’histoire et de science politique. Des propositions ont été faites à ce sujet avec un retour à l’éducation civique notamment.
Marc LAZAR souligne pour terminer combien les thématiques qui font le buzz depuis quelques mois sont éloignées des préoccupations de la jeunesse, ce que confirme une étude réalisée par l’Institut Montaigne à laquelle il a participé. Elle sera publiée le 3 février et porte sur 8 000 jeunes. Nous nous pencherons avec intérêt sur ces analyses…
Pour compléter ce trop rapide résumé d’un moment apprécié par tous les convives, qui suscitera encore beaucoup de débats, un conseil : lisez le dernier ouvrage de Marc LAZAR, Peuplecratie.
[1] Marc LAZAR est professeur des universités en histoire et sociologie politique à Sciences Po où il dirige le Centre d’histoire. Il est également professeur à la LUISS School of Government de Rome dont il préside le conseil scientifique.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages notamment « La France d’Emmanuel Macron » avec Riccardo BRIZZI, et « Peuplecratie la métamorphose de nos démocraties » avec Ivo DIAMANTI, paru chez Galimard en 2019.